Le pop-corn une saveur millénaire depuis 9 000 ans

Pop-corn, crispetas, maïs soufflé, poporopos… quel que soit le nom que chaque région leur a donné, il s’agit d’un en-cas mondial qui est devenu presque un symbole de l’industrie cinématographique. Et bien que cette industrie l’ait popularisé il y a près de 100 ans, cet en-cas m’a accompagné tout au long de mon enfance, dans les fêtes d’enfants, les posadas, les festivals, après l’école, dans les parcs… et bien sûr, aussi au cinéma.

Mais saviez-vous que l’histoire du pop-corn n’a pas commencé il y a 100 ans, ni il y a 500 ans, mais il y a environ 9 000 ans, avec une herbe sauvage appelée teocintle?

De l’herbe au maïs, un triomphe biologique.

En 1977, le généticien George Wells Beadle, lauréat du prix Nobel, a publié une étude fondamentale sur l’origine du maïs, proposant un élément qui a changé la façon dont nous comprenons cette culture : le maïs n’est pas né d’un mélange de plusieurs plantes, mais a été domestiqué à partir d’une seule espèce sauvage, connue sous le nom de teocintle ou teosinte, plus précisément la sous-espèce Zea mays parviglumis, qui pousse dans la région de la rivière Balsas au Mexique.

Lorsqu’on observe une plante de teocintle, on a du mal à y croire. Elle ne ressemble en rien au maïs que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agit d’un arbuste élancé, aux multiples ramifications, dont les petits grains durs sont enfermés dans une enveloppe coriace. Cependant, Beadle a montré que le teocintle et le maïs sont si semblables dans leur structure génétique qu’il est possible de les croiser et d’obtenir des plantes hybrides, ce qui confirme que le maïs a peut-être évolué à partir du teocintle.

Bien que l’on n’ait pas encore déterminé avec une précision absolue où et quand la domestication du maïs a commencé, la plupart des études scientifiques suggèrent qu’elle a eu lieu dans le sud-ouest du Mexique, il y a environ 9 000 ans, à partir du teocintle. Beadle est parvenu à cette estimation sur la base d’études génétiques. Il a cultivé des hybrides maïs-téocintle dans de grandes parcelles expérimentales et a montré que seuls cinq gènes clés étaient nécessaires pour transformer une plante ramifiée à grain amer en une grande plante à épi unique et à grain tendre.

Les études archéologiques les plus récentes ont permis de trouver du pollen de maïs à Oaxaca, datant de 7 400 à 6 700 ans avant J.-C., et des graines fossiles du centre du Mexique datant de 5 000 ans(Vargas, 2014). Ce processus de transformation est le fruit de la patience, de l’observation et de la sélection minutieuse des premiers agriculteurs mésoaméricains. Pour de nombreux scientifiques, cette domestication du maïs est considérée comme l’un des exploits agricoles les plus remarquables de l’histoire, comparable en importance à d’autres grandes domestications du monde antique.

Et le plus fascinant… c’est que le teocintle éclate. Le premier pop-corn est donc peut-être né bien avant le maïs moderne.

Je n’ai pas pu lire directement l’article complet de Beadle, mais ce processus et tout ce qu’il a découvert sont expliqués très clairement dans une vidéo que j’ai trouvée. Elle s’intitule “Popped Secret : The Mysterious Origin of Corn” (Le secret du maïs : l’origine mystérieuse du maïs), et a été réalisée par BioInteractive, qui fait partie de l’Institut médical Howard Hughes. Si vous êtes curieux de savoir comment les scientifiques ont découvert que le maïs provient du thé, vous pouvez la visionner ici.

Le pop-corn et son chemin à travers l’Amérique

Toutes les variétés de maïs ne sont pas pop-corn. Si le pop-corn que nous consommons au cinéma n’est issu que d’une ou deux variétés modernes de maïs à éclater (papillon et champignon), il existe de nombreuses variétés indigènes au Mexique, comme le Palomero Toluqueño, le Chapalote et le Nal-Tel, entre autres. Au Pérou, il existe une variété qui n’explose pas comme le pop-corn, mais qui est grillée et légèrement gonflée : il s’agit du maïs chulpe, qui est utilisé pour préparer un en-cas traditionnel appelé cancha.

Des preuves de la consommation de pop-corn au Pérou ont été trouvées il y a plus de 6 700 ans. 6 700 ans. Les routes de commerce et d’échange entre différents peuples ne sont pas modernes. Il existait déjà des liaisons qui conduisaient le maïs de la Méso-Amérique au sud vers le Chili, au nord vers le fleuve Saint-Laurent et aussi vers les Caraïbes, où le maïs était déjà cultivé bien avant le contact avec les Européens, dans le cadre de réseaux qui reliaient les peuples du continent. Tout cela a permis de partager une histoire qui, peut-être, n’a pas été écrite avec des mots, mais avec ce que l’on mangeait.

Le pop-corn, une offrande aux dieux

Pour les anciens peuples mésoaméricains, le pop-corn était bien plus qu’un simple en-cas : il faisait partie de rituels et d’offrandes sacrées. Dans l’Historia General de las Cosas de Nueva España, Fray Bernardino de Sahagún mentionne que lors des festivités dédiées à Opochtli, dieu de l’eau et de la pêche, le peuple Nahua offrait divers éléments symboliques : du pulque, des tiges de maïs vert, des fleurs, du copal, mais aussi du pop-corn.

Ce maïs soufflé, appelé momóchitl, était préparé dans des pots spéciaux qui “sonnaient comme des cloches”. Lors de la cérémonie, ce maïs grillé était semé, ou plutôt éparpillé devant le dieu. Sahagún la décrit comme suit :

“…ils ont également semé devant elle du maïs grillé qu’ils appellent momóchitl, qui est un type de maïs qui, lorsqu’il est grillé, éclate et découvre le grain et devient comme une fleur très blanche : ils ont dit que c’étaient des grêlons, qui sont attribués aux dieux de l’eau…”.

Pour eux, ces petites fleurs blanches n’étaient pas seulement de la nourriture, mais aussi des grêlons, des cadeaux célestes, un lien avec les Tlaloques, dieux de l’eau. Chaque grain symbolisait la fertilité, la pluie et le cycle de la vie.

Colliers et mémoire

Bernardino de Sahagún a également décrit comment les Mexica fabriquaient des colliers de fleurs, de grains et de pop-corn pour les utiliser lors de rituels et de cérémonies importants. Ces colliers, plus que des ornements, étaient des symboles sacrés, offerts aux dieux, portés par les prêtres, les guerriers et les jeunes filles lors de danses solennelles.

Ce qui est peut-être surprenant, c’est que ces coutumes n’ont pas disparu. Au Mexique, des colliers similaires sont encore fabriqués aujourd’hui pour embellir les offrandes et accompagner les célébrations. Des colliers de fleurs, de fruits, de graines et, dans certains villages de la région de Matlatzinca, au centre du Mexique, de maïs soufflé. Beaucoup ne savent pas d’où vient la tradition, mais elle est là, vivante, comme un souvenir tissé dans les fêtes des saints patrons, des mariages ou du jour des morts.

Des mains tissent encore des colliers, décorent des saints, des tombes et des autels, peut-être pour la même raison que ces ancêtres, pour honorer la vie, peut-être pour d’autres raisons. Mais si nous regardons de plus près, nous découvrons que beaucoup de ces choses qui nous semblent petites ou banales sont présentes depuis des siècles, voire des millénaires.

Comment les anciens Méso-Américains mangeaient-ils le pop-corn ?

Ils n’utilisaient ni huile ni beurre. Il est possible qu’à un moment donné, un grain de thé soit tombé dans les braises et ait éclaté par accident. Certains récits indiquent qu’ils étaient également préparés avec des cendres chaudes, puis dans des pots en argile et accompagnés de piment.

À la maison, mes parents faisaient du pop-corn sans machine, sans micro-ondes, juste une casserole, un peu d’huile et les grains. Ils déplaçaient patiemment la casserole pour qu’ils ne brûlent pas, attendant le moment où le premier pop-corn romprait le silence. C’est ainsi que nous continuons à les faire, simplement, comme avant.

Faire du pop-corn, ce n’est pas un simple caprice, c’est honorer ceux qui ont observé le thé et ne l’ont pas méprisé, mais l’ont vu grandir, l’ont aidé à devenir. C’est croire à nouveau que la nourriture est plus qu’un simple remplissage de l’estomac ; c’est nourrir l’âme ; c’est respecter le travail de ceux qui cultivent la terre. Mes ancêtres n’utilisaient pas nos mots, mais ils connaissaient le maïs et la terre, l’eau et le piment.